Les Gangs de Los Argelès - Episode 01



Voici votre nouveau roman-feuilleton qui paraîtra désormais dans votre Ouvre-Boîte chéri. Le principe? Un auteur différent à chaque numéro, qui reprend le feuilleton là où il s’est arrêté. Et nous débutons aujourd’hui avec Lucien à la plume, pour ce premier épisode des Gangs de Los Argelès!

  Maryse cassait des noix au coin de la cheminée. En cette veille d’hiver, et ce depuis tant d’années qu’elle ne les comptait plus, l’activité qui consistait à casser des noix auprès de l’antique cheminée de l ‘antique maison familiale de Vieuzac marquait symboliquement l’entrée dans la saison qu’elle préférait le plus. Femme d’intérieur, femme au foyer, sortie de temps en temps pour aller aux champs, aider à déplacer du bois, Maryse Cazenave se complaisait aux travaux des saisons, engoncée dans ce sentiment de sécurité extrême que tout se ressemblait et que rien ne changeait dans ce pays qu’elle n’avait jamais quitté. Issue d’une des familles les plus vieilles du village, ayant perdu son mari qu’il y a quelques années de cela, ses garçons partis au loin, en vallée d’Aure, enserrée dans le réseau des solidarités familiales et de voisinages comme dans un cocon protecteur et familier, elle ne prêtait guère l’oreille au tumulte du monde.
Ses sujets de conversation avec les voisins ne dépassaient guère le temps qui se détraquait, la recette de la pâte à tarte et la santé des enfants des Cazajous d’en face. Elle avait bien entendu parler des quelques actes d’incivilités-en-recrudescence qu’évoquait sa petite cousine à chacun de ses interminables visites, des voitures volées puis brûlées, des maisons cambriolés, des murs souillés de peintures criardes et bariolées, de ces groupes de jeunes au regard mauvais qui se regroupaient dans les allées sombres et les coins des parcs où il ne faisait plus bon aller. Mais c’était surtout tout ce qui touchait à son univers plus immédiat qui lui faisait relever l’oreille. Elle avait bien entendu parler de ces vols de brebis en série dans la vallée au dessus, notamment celles de Joseph Abadie et de Laurent Lasalle - des bergers que l’ensemble de la communauté montagnarde jugeait d’un œil ébahi depuis leur étrange coming-out de l’été dernier. Les vols de tracteurs se répétaient à une vitesse alarmante, ceux de matériels agricoles de toute sorte aussi, on volait même les poteaux des clôtures il paraît.
Aussi, alors qu’elle entamait une noix particulièrement dure, engourdie par ce sentiment de sécurité ancestrale imprimé dans ses gênes, ce ne fut qu’un vieux fond de bon sens paysan qui la fit râler quand, tard ce soir là, on frappa à sa porte. Méfiante par habitude, circonspecte par tradition familiale, un peu mauvaise langue par goût, mais peu encline à imaginer du drame entre les quatre murs de sa vieille demeure, elle ne fit même pas le plus petit bruit quand, une fois qu’elle eut ouvert sa porte, la hache fendit nettement son crâne en deux.

                                                                                                                                                                                                                                                                                   
  L’inspecteur Mc Kinley tenait encore une gueule de bois en plomb quand il arriva sur les lieux du crime. Le brigadier-chef Claverie qui le réceptionna au sortir de sa voiture lui jeta un œil goguenard qui énerva l’inspecteur John Kennedy McKinley au plus haut point. Claverie n’était pas dupe et connaissait les habitudes de son supérieur, et la brigade entière en avait fait un de ses sujets de conversation favoris. Mais si l’inspecteur assumait un alcoolisme de vieux loup solitaire, il n’appréciait pas le regard narquois de ses subordonnées sur un de ses plus vieux vices, celui qui lui ferait la peau comme lui-même aimait à le dire.
Le brigadier Debat surgit d’un coin de la petite maison en pierre et fila droit vers Mc Kinley, qui nota avec satisfaction le teint verdâtre dudit gendarme :
- Venez voir par ici, chef. C’est un vrai carnage.  J’ai jamais vu un truc pareil. Les gars du labo sont déjà là, et il faut vous dépêcher avant la levée du corps.
C’est le pas lourd et le foie chargé que l’inspecteur McKinley suivit le brigadier Debat. « J’ai encore soif » songea-t-il.

La suite au prochain numéro!

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